lundi 1 mars 2010

"Mon pirate, mon cher mari..."

ou épilogue d'un conte de fille.












Letter brush on deviant art



Il était une fois une demoiselle insouciante qui n'aimait rien tant que s'émerveiller devant de magnifiques créations et paysages et chasser les papillons.


Un beau jour, elle s'aperçut par hasard que le coffre dans lequel elle gardait précieusement ses souvenirs de pérégrinations n'était pas un coffre, mais un lieu enchanteur d'où elle pouvait voir défiler quantité d'œuvres toutes plus belles les unes que les autres.


Emerveillée (oui, c'était sa spécialité d'être émerveillée), elle resta de longues heures à contempler ces images, à s'emplir d'elles, à se laisser porter par les émotions qu'elles provoquaient.
Parmi tous les créateurs d'images, elle s'aperçut bientôt qu'elle en connaissait quelques uns pour les avoir rencontrés, mais il en était un en particulier, qu'elle n'avait jamais rencontré, et dont les images et les paroles résonnaient de façon particulière en elle: ses encouragements aux autres, la sensibilité de ses images qu'il tentait de dissimuler derrière une description humoristique, tout ceci lui rendait cet artiste (car c'en était un) très sympathique.


Elle reprit ses chasses aux papillons, ses explorations, tout en gardant un œil sur ses créations qui la transportaient. Petit à petit, le contact se fit et de fil en aiguille, elle commença à échanger des adresses de paysages époustouflants avec cet artiste et à bénéficier de ses conseils.


Un jour qu'il était en visite lui aussi dans le royaume, il l’appela à l’aide: il avait en effet peine à trouver l'entrée secrète d'un souterrain hypnotique dont elle lui avait parlé.


Parce qu'elle n'était guère dotée du sens de l'orientation, et guère plus douée, semble-t-il, en explications, elle se dit qu'il vaudrait mieux se rendre sur place pour lui indiquer l'accès de la voie secrète, mais cela l'ennuyait, car elle craignait de se trouver embarrassée: au fil des semaines, elle s'était en effet aperçue qu'elle attendait avec une impatience grandissante ces échanges avec l'artiste et elle se dit que s'ils se rencontraient enfin, il comprendrait immédiatement, à son embarras, qu'il la troublait fortement. Devant son insistance, cependant, elle se résolut à se rendre sur place et, bien que très impressionnée, réussit à profiter de l'instant présent et de la présence de l'Homme.


Les jours suivants, il se montra encore plus drôle et gentil qu'à l'accoutumée, s'étonnant de ce qu'elle ne lui rende pas un simple bisou (les bisous l'embarrassaient, en particulier lorsqu'il fallait les dispenser à la gente masculine et pire encore lorsque le spécimen lui faisait un tel effet). Elle tremblait qu'il ne comprenne, si elle le lui rendait, tout ce qu'elle mettrait dans ce bisou, mais de peur de le voir se vexer à jamais (pour ce que d'aucuns auraient considéré comme une broutille et qui représentait pour elle un pas de géant) et ne plus lui adresser la parole, elle s'exécuta.


Ce fut le début d'une belle histoire: l'artiste mettant un point d'honneur à se rendre disponible, afin qu'ils puissent aller danser ensemble.


Il était fier de la présenter à tous, leur amour réjouissait leurs amis et faisaient sourire ceux qui en étaient témoins. Ils se complétaient et étaient inséparables. Et la belle se sentait si bien dans ses bras qu'elle avait l'impression d'être devenue une princesse.


Ce qu'elle ignorait, parce que son amoureux ne s'en vantait pas et qu'elle faisait une allergie aux magazines people, c'est qu'il était effectivement prince et, à ce titre, se devait d'accomplir un certain nombre d'activités liées à la vie publique. Elle dit adieu à ses amis, car elle était incapable de maintenir le rythme et son compagnon lui avait fait comprendre que certains étaient indésirables. La demoiselle n'était pas, mais alors pas du tout fan des soirées mondaines. Cependant, afin de passer plus de temps avec son homme, elle accepta de le suivre quand il avait des obligations.


De soirées en vernissages, elle l'accompagnait, distrayant les invités par un babillage incessant, afin de lui permettre de les croquer à la sauvette. . Elle souriait de lire dans la presse spécialisée les déclarations d'amour de son homme à sa cour, car elle savait qu'il s'agissait de petits encouragements distillés sans arrière-pensées et que lorsque tombait la nuit, il était tout à elle et elle était toute à lui.






Les obligations prirent cependant une place toujours plus importante dans la vie de celui qui était entre temps devenu son mari et la jeune femme, qui se languissait après les soirées passées à virevolter entre ses bras, commença à trouver le temps long. D'autant que son homme, qui insistait auparavant pour l'emmener partout où il allait, lui enjoignait désormais de ne plus le suivre dans ses tournées. Il ne rentrait plus aussi souvent, devenait taciturne, ne se confiait pas. A l'évidence, quelque chose le tourmentait et il ne tenait pas à en discuter. Elle s'en inquiéta, se demandant s'il était malheureux avec elle, mais devant les dénégations de sa moitié, elle décida de mettre ce changement sur le rythme élevé que son mari s'imposait.


Elle tuait donc le temps comme elle pouvait, attendant le retour de son Martin Guerre, écumant les boutiques dans l'espoir de trouver le petit plus qui ferait qu'il la regarderait à nouveau avec l'adoration qu'elle avait cru lire un jour dans ses yeux. Mais rien n'y faisait: son mari ne l'emmenait plus danser et ne lui adressait plus la parole que pour lui recommander de nouvelles boutiques, se débarrassant ainsi d‘une épouse encombrante qui avait perdu de sa capacité à le distraire et ne l‘amusait plus autant. De fait, la princesse s‘étiolait loin de son mari, sous les yeux inquiets des rares amis, qui étaient restés malgré l'embargo, et l'œil goguenard de la cour. Elle sentait le vide grandissant du manque l'emplir à mesure que le temps passait.


Elle se dit que cela était sûrement dû à l'augmentation des obligations de son mari et qu'elle était bien égoïste de penser ainsi à quel point il lui manquait, alors que le pauvre devait être épuisé.


Jusqu'à ce qu'elle aperçoive un jour, dans une revue people qu'elle méprisait tant, une interview de son mari indiquant combien il trouvait agréable ces fameuses obligations, au point que parader au sein de sa cour en devenait un plaisir sans équivalent.




Malheureuse de constater qu'il s'amusait plus facilement sans sa compagnie, elle lui écrit alors une missive: "Mon pirate, mon cher mari, il m'a semblé saisir à vous lire que vous n'appréciiez peut-être plus ma compagnie autant qu'à nos débuts. J'ai bien entendu que vous ne souhaitiez plus ma présence à vos côtés lors de vos tournées. Je vous promets donc que je ne sortirai désormais plus du château et y attendrai votre visite lorsque bon vous semblera. Votre épouse à qui vous manquez terriblement et qui a résilié l'abonnement à toutes les revues people".


Sa réponse ne se fit pas attendre (pour une fois): "Comme à l'accoutumée, femme, vous interprétez et êtes injuste avec ma cour. Je pars donc de ce pas en retraite et ne reviendrai que lorsque l'envie m'en prendra. D'ici-là, considérez-moi comme mort".


La princesse en fut abattue: elle avait pourtant espéré, en laissant ainsi plus de liberté à son prince, qu'il en apprécierait d'autant plus ses retours au royaume. Elle prit son mal en patience et attendit, encore et encore, que son aimé sorte de son isolement et revienne la faire danser, comme à leurs débuts, mais en vain.


La princesse, à force d'attendre, se changea en demoiselle licorne, plus tout à fait insouciante et persuadée désormais que toute cette histoire n’avait jamais été qu’un rêve. Elle reprit sa chasse aux papillons, silencieuse, à l’écart.


Quant au prince, il garda le silence à son égard pour toujours.




Evidemment, ils n'eurent jamais beaucoup d'enfants.






Fin (ici et pas dans un obscur tunnel parisien).

 
 
 
 
Ah, et juste au cas où, je n'ai jamais été fan des Rita Mitsouko (ni des revues people, ni des soirées mondaines)

4 commentaires:

  1. Si elle ne racontait pas l'histoire de deux de mes meilleurs amis je l'aurai lu avec plaisir cette histoire, ma jumelle je t'aime et ton prince tu sais combien il compte pour moi.
    Je vous aime

    RépondreSupprimer
  2. ecrire l'histoire, fermer le livre, en écrire un nouveau mais garder tous ces livres en soi.
    C'est superbement raconté en tout cas.

    RépondreSupprimer
  3. Les contes de fées se terminent toujours bien.
    Les vrais histoires d'amour, pas toujours :-/
    Malgré tout, il y aura toujours de bons souvenirs pour ne jamais regretter ce qu'on a vécu et regarder sereinement l'avenir en sachant que tout est toujours possible ...
    Merci d'avoir partagé cette histoire.
    Bisous Poule :-))

    RépondreSupprimer